jeudi 30 juillet 2009

entendu

... dans un magasin Porte Maillot, dans le 17e arrondissement de Paris (quartier aisé voire trézézé), petite discussion entre une commerçante et sa cliente :


"-Non, parce que vous comprenez, il ne veut RIEN entendre, les médecins lui disent pourtant que c'est mauvais de faire du sport quand il fait trop chaud...
-Ah ça, c'est sûr!
-... mais il est têtu, alors qu'ils lui disent que ça dilate les artères...
-Evidemment!
-... mais il continue à vouloir faire son jogging, alors vous comprenez, parce que bon, ce qu'il devrait faire, c'est s'arrêter avant de se sentir mal, ou au moins de prévenir qu'il se sent mal..."

Bizarrement, elle ne parlait pas de son tonton Denis, mais d'un mystérieux malaise vagalo-présidentiel...

mercredi 29 juillet 2009

elle et moi

Laisse laisse, laisse-la tomber, ils te disent.

Tu devrais
la jeter
l'écraser
Il faudrait
l'oublier
l'ignorer

Elle te mine, te ruine, t'abime alors s'il-te-plaît laisse, laisse, laisse-la tomber.
Tout a changé depuis elle. Tu as changé depuis elle.

Tu
t'isoles
entre le monde
et elle c'est elle
que tu as choisie

Matin et soir du matin au soir
Debout assis couchés
Vêtus nus courts vêtus
Public et privé
Dehors puisque vous insistez
Pour le plaisir des sens et en dépit du bon


Laissez-moi ma clope au bout des doigts


.

mardi 14 juillet 2009

Train quotidien



Au commencement, il y a la gare.

C'est un drôle d'endroit, une gare, ni complètement ouvert ni complètement fermé, traversé par les courants d'air et tributaire du temps qui passe. C'est un endroit qui ne s'appartient pas. Il y a du mouvement et de l'immobilité, de l'attente et tout ce qu'on y met pour tenter de l'apprivoiser.
Il y a des gens. Et il y a toi. (car il est de notoriété publique que le monde se divise en deux parties : les gens et toi.)

Toi et ta valise patientez en silence (c'est une valise noire à roulettes tout ce qu'il y a de plus taciturne), l'oeil rivé sur le tableau d'affichage des trains en partance. Marseille-Rennes, six heures de TGV "intégralement non-fumeur" : depuis 24 heures tu travailles consciencieusement à te transformer en patch vivant, car si à la nicotine tu n'as pas droit, la nicotine tu seras (ah, nostalgie du wagon fumeur délicatement jauni, où tu n'avais même pas besoin d'en griller une -clope- pour te rôtir les deux -poumons-).


"En raison d'un colis suspect voie n°6, le TGV n°8162 à destination de Rennes subira un retard de zzkgrrzhriiiiii minutes. Merci de votre compréhension."


La foule pourrait céder à la panique, là tout de suite maintenant.
Mais ce serait sans compter sur l'extraordinaire professionnalisme et la remarquable efficacité de la SeuNeuCeuF. Evacuation générale de la gare? Que nenni. Appel à une équipe de déminage? Point du tout. C'est en file indienne, chaque tête soigneusement planquée derrière le fessier du collègue précédent, que la chenille SNCF démarre illico presto en direction dudit colis suspect. La chenille s'immobilise à hauteur de la valise potentiellement piégée. Se concerte. Désigne un volontaire (probablement stagiaire) pour aller tâter le bagage. Le volontaire tâte. Colle sa tête contre la valise. Estime que ça ne fait pas tic tac. Et appelle donc le reste de la chenille à la rescousse pour ouvrir le colis qui n'avait finalement de suspect que les goûts vestimentaires de son propriétaire (va comprendre).

La chenille ne part pas toujours à l'heure (un commentaire?), puisque ton TGV n°8162 à destination de Rennes affiche déjà une bonne heure de retard lorsque la horde de voyageurs un brin énervés se lance à l'abordage.
Mamie installe son chien, ses deux perruches et son matériel à canevas, Papy sort le casse-croûte camembert et oeufs durs (Grand Prix toutes catégories confondues au Festival de la Narine), et toi tu découvres ta place : côté couloir sur un carré, dans le sens inverse de la marche, quelque part entre PapyMamy (à gauche) et leurs trois petits-enfants (dessus, dessous, à droite, à gauche, en face).

Soit. Le train démarre.

Habituellement, cinq minutes séparent Marseille de la première station, Aix-en-Provence.
Aujourd'hui, trois minutes séparent le départ du train de l'annonce suivante : "En raison d'un colis suspect en gare d'Aix-en-Provence, nous devons stationner quelques instants."

Tension, température et décibels montent d'un cran, et toi-même, au bout d'une heure, hésite entre faire manger au petit dernier la perruche de Mamie ou assommer Papy avec le synthétiseur Playschool du grand. (On ne le répètera jamais assez : dans le train, ne donnez pas à vos enfants de jeux qui hurlent mécaniquement "ESSAYE ENCORE" à chaque fois qu'il faut essayer encore. L'apprentissage a ses limites.)

Commence alors la valse des téléphones portables, chacun répétant qui à sa femme, qui à ses enfants, que oui le train a du retard, et que non il ne faut pas l'attendre pour manger, mais que oui si c'était possible de commencer à faire cuire le pot-au-feu c'est gentil merci.

Une heure après, la chenille redémarre.
Et tout se déroule à merveille.
Jusqu'à...
Massy.
"En raison d'un colis suspect".
Etc.
Oui, c'est bien la troisième alerte. Et à partir de cet instant, la quatrième dimension.
Car il est un moment où la colère et la tension n'ont d'autre choix que de se transformer en quelque chose d'inattendu : le renoncement.

Le renoncement, ce soir-là, dans ce train-là, avec ces gens-là, ressemble à une catharsis de wagon-bar (comprends : "cuite collective au beaujolais SeuNeuCeuF") : il est de toute façon trop tard pour être en retard, les petits dorment enfin et les piles du synthé sont mortes, alors autant écouter Mamie te dire combien Papy était beau quand ils se sont connus...

C'est finalement avec un léger retard de 3h30 que le TGV n°8162 arrive en gare de Rennes, débarquant un flot de passagers légèrement avinés et étrangement souriants (ou le comment du pourquoi).

C'est un drôle d'endroit, une gare...