jeudi 11 juin 2009

Les expériences professionnelles et moi, épisode 2 : la pompiste



La Grande Distribution offre une panoplie d'emplois insoupçonnés. C'est ainsi qu'après avoir découvert les méandres du métier de caissière, tu décides de t'attaquer à celui de pompiste.

C'est donc dans cette boîte en plexiglas de 4m2, là-bas tout au bout du parking, que tu vas passer les deux prochains mois. Température intérieure : 40 degrés en moyenne (pas de climatisation, mais tu as cependant le luxe de pouvoir brasser de l'air chaud avec un vieux ventilateur).

Cette fois-ci, ce sont tes collègues pompistes qui assurent ta formation : débloquer les pompes à essence une fois que l'automobiliste t'a réglé son dû, calculer les réserves de carburant, ramasser les poubelles sur le parking le soir, faire ta caisse, gérer les bouteilles de gaz et de cidre (les bouteilles de gaz exigeant un traitement différent des bouteilles de cidre, mais ne nous perdons pas dans les détails), et éventuellement, mais très discrètement, tu pourras aussi faire quelques mots croisés habilement planqués sous la caisse par tes collègues, mais surtout fais toujours attention au PATRON, hein?!

Le voilà justement , le patron, qui vient te demander de modifier les prix du gasoil sur les panneaux géants alignés le long de la route (c'est finalement lui qui le fera, après que tu lui aies fait prendre la mesure des conséquences d'un malheureux mais fort probable accident du travail lié à ton vertige).
Il te précise également une chose fondamentale : si jamais un gang de braqueurs armés jusqu'aux dents fait irruption dans ta boîte en plastique et te réclame instamment la caisse, s'ils ont de surcroît l'air passablement agacé et nerveux, et seulement après avoir patiemment pesé le pour et le contre et jugé qu'ils semblaient avoir la gâchette facile, en dernier recours, lorsque toute tentative de négociation a échoué, alors le patron t'autorise à leur donner la recette de la journée. Soulagement. (Quoiqu'une mort héroïque suivie d'un enterrement aux couleurs d'Intermarché t'aie vaguement traversé l'esprit.)

Deux mois plus tard, tu sais qu'à "butane" et "propane" correspondent les mots "intérieur" et "extérieur", ou inversement. Tu ignores en revanche le nombre d'explosions de maisons dont tu es (in)directement responsable.

Tu as appris à ne plus avoir peur lorsqu'un automobiliste enragé se projette contre les vitres en plexiglas de ta boîte, en hurlant (pendant que tu recomptes vaillamment ta caisse) que "bordel de merde vous allez me rouvrir tout ce bordel tout de suite. Bordel".

Tu parviens à contenir ta nausée quand tu vois arriver le billet de 200 francs coincé dans la bouche du vieux moustachu au volant de sa R5.

Tu as également pu constater que contre toute attente, quand tu allumes une clope entre les pompes à essence et les bouteilles de gaz, il ne se passe rien.

Tu as obtenu confirmation de ton absence de toute logique mathématique lorsque, après moults calculs, tu as fait venir le Monsieur au volant de son gros camion citerne rempli de carburant dans le but de réapprovisonner des cuves elles aussi déjà remplies de carburant. (Tu as d'ailleurs définitivement renoncé à Maths Spé en observant attentivement les visages rouges de colère de Messieurs Citerne et Patron.)

Tu as pu tester ton manque de réactivité le jour où le frein à main du camion stationné près de la pompe n°5 s'est desserré : tu avais à peine levé un sourcil que déjà l'engin venait s'encastrer dans les bouteilles de gaz.

En définitive, tu t'en sors grandie. La Grande Distribution t'a appris qui tu étais, et surtout ce à quoi tu n'étais pas destinée : une carrière de pompiste...


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